Pourtour méditerranéen: les stigmates du changement climatique

Face à l’accélération des événements climatiques dévastateurs, la région méditerranéenne, identifiée par le GIEC comme particulièrement vulnérable au réchauffement climatique, se trouve au cœur des préoccupations environnementales. Cet article examine l’ampleur des changements climatiques déjà visibles dans cette région et souligne l’urgence de modifier nos modes de vie pour atténuer leurs effets dévastateurs.

Quelques chiffres significatifs

Il est complexe de fournir une analyse globale applicable à toute la région méditerranéenne en raison de la diversité des données disponibles. Néanmoins, certains indicateurs clés illustrent l’ampleur des changements climatiques et suscitent une inquiétude croissante autour de la Méditerranée :

• Depuis les années 1970, le nombre de feux de forêt en Europe a nettement augmenté, d’après le programme de surveillance des incendies de l’Union européenne (EFFIS). On observe environ 50 % de feux de forêt en plus chaque année par rapport à il y a 50 ans. Dans le sud de l’Europe, notamment en Espagne et au Portugal, la fréquence et l’intensité des incendies de forêt se sont accentuées. Par exemple, en 2017, le Portugal a subi les pires incendies de son histoire, avec plus de 500 000 hectares détruits. L’Espagne a également vu une hausse de 86 % des incendies signalés en mars entre 1978 et 2018. Déjà au printemps 2023, des incendies éclatent. En Grèce, la saison des feux de forêt s’est étendue de 2 à 4 mois dans certaines régions depuis les années 1960.
• La température moyenne annuelle en Méditerranée a connu une hausse de 1,5°C entre 2001 et 2020, presque le double de la moyenne globale. Cette tendance s’est accélérée lors de la dernière décennie avec une augmentation de 0,4°C.
• L’été 2021 a été marqué par une vague de chaleur sans précédent, entraînant des températures record dans plusieurs pays méditerranéens, dont la Grèce, l’Italie, l’Espagne, et la Tunisie.
• En 2022, la combinaison de conditions chaudes persistantes et d’une faible intensité des vents de mistral et de tramontane a mené à une augmentation significative des températures de la mer Méditerranée entre les Baléares, la Corse, et l’Italie, avec des mesures de température de surface de l’eau à 4 à 5°C au-dessus de la moyenne, dépassant même les 30°C sur de grandes étendues. L’Union européenne a également enregistré un record de surfaces brûlées par les feux de forêt, avec plus de 785 000 hectares, selon un rapport du système européen d’information sur les feux de forêt et du programme européen sur le changement climatique. Ces incendies ont produit des émissions totales de carbone estimées à 9 mégatonnes, par rapport à une moyenne de 7 mégatonnes entre 2003 et 2021. Les données du service de surveillance de l’atmosphère Copernicus montrent que les émissions dues aux feux de forêt entre juin et août ont atteint 6,5 mégatonnes de carbone, le niveau le plus élevé depuis l’été 2007.

L’ensemble des scientifiques s’accorde sur le fait que le pourtour méditerranéen est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, impactant la sécurité alimentaire, la santé, l’énergie et la gestion des ressources en eau. L’outil interactif du GIEC/IPCC offre une visualisation des projections climatiques basée sur divers paramètres, fournissant un aperçu clair de ce qui nous attend si aucun changement n’est opéré.

Impact sur la biodiversité

La hausse des températures et la sécheresse menacent gravement la biodiversité méditerranéenne, entraînant la mort d’arbres, la réduction de la diversité des espèces, et une augmentation du risque d’incendies de forêt. Les écosystèmes naturels, essentiels pour la faune et la flore locales, subissent des pressions extrêmes, risquant une perte irréversible de biodiversité.

Exemple : La culture de l’olive

Le sud de l’Europe, où l’Espagne, l’Italie et la Grèce dominent la production mondiale d’huile d’olive, subit de plein fouet les conséquences des changements climatiques sur la culture de l’olive. Ces impacts se manifestent de plusieurs manières :

• Réduction des rendements : Les périodes de sécheresse et les hausses de température diminuent la production d’olives, entraînant une baisse des rendements. D’après une étude de l’Union européenne, les rendements de l’olivier ont chuté de 20 % en moyenne en Europe depuis les années 1960.
• Pertes de revenus : La baisse des rendements a un impact financier significatif sur les agriculteurs, particulièrement dans les zones rurales où la culture de l’olive constitue une source de revenus majeure. Une étude de la Commission européenne estime les pertes économiques liées aux conditions climatiques défavorables dans les régions productrices d’olives à environ 1,3 milliard d’euros annuellement.
• Changement des pratiques agricoles : Pour s’adapter aux conditions climatiques changeantes, les agriculteurs adoptent de nouvelles pratiques, incluant la plantation de variétés d’oliviers plus résilientes à la sécheresse.
• Déclin de la qualité de l’huile d’olive : Les conditions climatiques défavorables peuvent aussi affecter la qualité de l’huile produite, avec une augmentation potentielle de la teneur en acides gras libres, altérant ainsi la qualité et le goût de l’huile.
• Tendance à la hausse : Les sécheresses et les températures élevées deviennent plus fréquentes et intenses dans le sud de l’Europe, exacerbant les impacts sur la culture de l’olive. Par exemple, une étude de 2020 a révélé que les sécheresses ont réduit de 30 % en moyenne les rendements de l’olivier en Espagne entre 1960 et 2017.

La récolte d’huile d’olive en France pour 2021/2022 a été significativement affectée par les conditions climatiques, entraînant une baisse marquée de la production. Cette tendance n’est pas isolée à la France mais concerne également d’autres pays méditerranéens, où la sécheresse et le gel ont fortement réduit les récoltes. En 2022, des vagues de chaleur ont diminué certaines productions de 50 à 70 %. L’année 2023 semble également compromise avec un manque généralisé de précipitations dans le sud de l’Europe.

Un coût exponentiel

Quantifier précisément les dommages économiques causés par le changement climatique en Méditerranée française est complexe, les impacts variant selon les régions, secteurs et événements spécifiques. Cependant, l’augmentation des dommages en termes de quantité et de coûts de prévention et de réparation est indéniable :

• Inondations : Causant des dégâts croissants aux infrastructures, habitations et cultures. Par exemple, les inondations de 2015 sur la Côte d’Azur ont engendré environ 600 millions d’euros de dégâts, et celles d’octobre 2020, plus de 220 millions d’euros dans le sud de la France.
• Sécheresses : Provoquant des pertes de récoltes importantes, particulièrement pour les cultures comme les oliviers et les vignes. Les canicules de 2015 à 2020 ont coûté à la France entre 20 et 40 milliards d’euros, avec les sécheresses de 2022 causant plus de 2 milliards d’euros de dommages aux bâtiments.
• Incendies de forêt : Engendrant d’importants dommages aux écosystèmes, infrastructures et économies locales. Les incendies près de Marseille en 2017 ont causé environ 130 millions d’euros de dégâts, et ceux de 2021 en Espagne environ 1,5 milliard d’euros, avec 620 millions couverts par les assurances.
• Montée du niveau de la mer : Affectant les infrastructures, habitations et activités économiques, avec des coûts potentiels de 20 à 150 milliards d’euros d’ici 2100 en France selon les projections du GIEC.

Les événements climatiques extrêmes de 2022 ont également eu un impact financier significatif en France, soulignant l’urgence d’actions efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux changements climatiques, en particulier dans les régions vulnérables comme la Méditerranée.