« On s’bat pour être à l’avant dans un avion qui va droit vers le crash. »

Quelle magnifique critique de nos sociétés occidentales que cette chanson crée avec Skread et interprétée par Orelsan … Tout est dit. L’incapacité dans nos sociétés à écouter et comprendre l’autre, à accepter les différences, à envisager l’avenir. Un texte qui montre à quel point nos relations, nos réactions et modes de vie sont devenues totalement délirantes et mortifères.

Car oui, on peut le dire, notre monde n’a pas ou plus beaucoup de sens. Incapables de réinventer un monde désirable, ni même de le penser la plupart du temps, nous voilà lancés dans une course effrénée à la production de biens et à la consommation, oubliant par là-même le vrai sens de la vie. Oubliant ainsi l’épuisement des réserves naturelles, la chute de la biodiversité, les pollutions multiples de l’air, de l’eau, des sols…

Des alertes multiples

Cela fait plus de cinquante ans que les scientifiques et les écolos du monde entier alertent. Au moins 20 ans que les rapports et études s’enchaînent, plus alarmistes les uns que les autres. Rappelons au passage que dès les années 70, le rapport intitulé « Les Limites à la croissance / The Limits to Growth » connu sous le nom de Rapport du club de Rome ou Rapport Meadows démontrait à quel point l’action humaine impactait l’environnement et mettait en péril sa survie et par là même l’ensemble du vivant.

Cela fait près de 20 ans aussi que les conséquences du dérèglement climatique se font sentir, partout dans le monde, de plus en plus prégnantes et catastrophiques. L’effondrement du vivant est affolant tant par sa rapidité que par le nombre d’espèces fragilisées, au point que les scientifiques parlent maintenant de la sixième extinction de masse. Le nombre des maladies et des décès causés par les polluants déversés dans l’eau et dans les sols, relâchés dans l’air et en fin de compte dans la nourriture ne cessent de croître.

La pollution de l’air est à elle seule responsable de près de 10 millions de morts dans le monde chaque année (plus que les morts liées au tabagisme!). Ces dernières années, tout semble s’accélérer. Les scientifiques avaient prévenu. Les inondations sont plus nombreuses et surtout de plus en plus dévastatrices. Idem en ce qui concerne les sécheresses. Les glaciers fondent à vitesse accélérée, mettant en péril l’alimentation de millions de personnes dans le monde, provoquant une montée inéluctable des eaux.

Les populations d’insectes, de batraciens, des oiseaux des champs, des grands mammifères s’effondrent.

Des réponses décevantes

Ok. Ces quelques lignes devraient tous nous faire réagir, du citoyen aux gouvernants en passant par les décideurs économiques. Pourtant, si la prise de conscience est réelle, les actes ne suivent pas. Les COP se suivent et se ressemblent: l’Accord de Paris, conclu en 2015, avait établi comme objectif de contenir l’élévation de la température moyenne mondiale « nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter cette hausse à 1,5°C ». Pour atteindre cet objectif de maintenir le réchauffement climatique à 1,5°C, il est impératif que les émissions de gaz à effet de serre atteignent leur pic avant 2025 et diminuent de 45 % d’ici 2030. Pourtant, l’année 2023 a encore battu tous les records d’émissions de gaz à effet de serre et de production d’énergies fossiles au niveau mondial et les derniers rapports concluent qu’il faut maintenant penser à limiter l’augmentation à +2°C, si c’est encore possible.

Les entreprises du secteur des énergies fossiles continuent à développer des projets d’exploitation dans le monde entier et ce pour des décennies.

Concernant la biodiversité, les rapports du WWF ou de l’IPBES sont toujours aussi inquiétants. L’extraction des ressources naturelles dans les sols, et les pollutions inhérentes à cette activité, ne cessent de progresser en surface et en quantité. L’agriculture intensive n’a pas cessé son essor, bien au contraire, la tendance est à la méga-ferme de plusieurs milliers d’hectares avec l’utilisation d’énormes quantités d’intrants chimiques. L’eau devient un enjeu vital pour de nombreux pays, notamment du fait de sa raréfaction dans de nombreuses régions du monde.

Des exemples comme ceux-là, on pourrait en trouver des dizaines. On ne cesse de nous expliquer que la transition est en cours mais de quelle transition parle-t-on? Certainement pas d’une transition écologique qui consisterait à penser un monde dans lequel on mange moins de viande, dans lequel les protéines végétales seraient produites sans usages excessifs de molécules chimiques, dans lequel on cesserait de bétonner des espaces de vie etc … Il n’est pas non plus question de moins se déplacer, bien au contraire, puisqu’on prévoit une explosion du trafic aérien dans les 30 ans à venir. On remplace les véhicules thermiques par de l’électrique … remplacement qui ne règle en rien la globalité des problèmes auxquels nous sommes déjà confrontés.

Alors oui, les politiques et industriels se sont lancés dans une transition énergétique qui permet de ne rien changer globalement mais qui amène de nouveaux usages et permet ainsi de développer la croissance ainsi que les bénéfices des entreprises. Ce n’est en rien à la hauteur des défis qui sont devant nous et dont nous commençons seulement à entrevoir les conséquences dramatiques sur nos vies jusque-là bien confortables (pour une majorité d’entre-nous en tous cas) au regard de l’ensemble de l’humanité.

C’est bien cette peur de perdre ce que nous avons qui semble tétaniser peuples et dirigeants. Pourtant, ne rien faire comme nous le faisons depuis plus de cinquante ans n’est en rien la solution. Cette inaction est grandement responsable de la situation actuelle et du futur peu désirable à venir.

Réinventer le monde

On le voit, et chacun le ressent au plus profond de soi malgré l’inaction globale et les climato-sceptiques: nous allons droit dans le mur. Pourtant, malgré tous ces exemples, malgré ces sentiments réels qui nous envahissent au point de créer de l’anxiété chez de nombreuses personnes … rien de ce qui se passe depuis vingt ans n’est à la hauteur des défis qui s’annoncent.

Alors, oublions nos dirigeants qui, malgré une intelligence certaine et des connaissances encyclopédiques parfois, sont incapables de proposer autre chose que la continuation de ce système qui nous amène à notre perte mais qui leur permet bien souvent de continuer à profiter d’un système inégalitaire calibré en leur faveur.

Oublions-les, il n’y a rien à espérer je le crains de leur côté. Ce que je ne comprends pas, et c’est un des objectifs du site, c’est comment des gens intelligents, cultivés et que j’estime autour de moi, dans le cercle familial ou dans celui des collègues ou des amis, peuvent à ce point nier les évidences. Sources de conflits, nos discussions demeurent bien souvent stériles. Comme le dit Orelsan dans sa chanson, c’est « la panique qui les pousse à crier qu’la Terre meurt et personne en a rien à branler« . On me renvoie que je suis défaitiste, que je fantasme sur des peurs bien orchestrées pour manipuler le peuple, que je souhaiterais presque que la situation se dégrade rapidement pour que je puisse affirmer que j’avais raison.

Lorsque j’explique que je trie à peu près tout ce que je consomme et utilise, soit pour recycler, soit pour réutiliser autrement, on me prend pour un mec qui n’a que ça à faire dans sa vie. Lorsque j’éteins les lumières ou baisse légèrement le chauffage, me voilà assimilé au radin de base. J’essaie au maximum d’acheter local ou bio pour la nourriture, d’acheter des vêtements produits en France ou dans l’UE et voilà qu’on me prend pour un bobo qui veut se la jouer. Systématiquement, tout effort se voit renvoyé dans les cordes sous prétexte que c’est contraignant et que de toute manière, ce n’est pas ce que je m’emmerde à faire qui changera quelque chose si les autres ne le font pas.

C’est certain et j’en suis conscient. Mais c’est justement avec ce genre de raisonnement qu’environ 2 milliards de personnes (dont je fais encore partie malheureusement lorsque j’utilise mon véhicule pour aller bosser, mais comment faire autrement lorsqu’on habite en milieu rural?) contribuent depuis plus de cinquante ans à la dégradation du vivant et des milieux. Pendant ce temps, 5 ou 6 milliards d’habitants qui aimeraient vivre un peu plus confortablement subissent version XL les conséquences de notre déni et de notre inaction.

Alors que dire des réactions face au discours qui consiste à dire que toutes ces « petites » actions ne sont plus suffisantes et qu’il est plus qu’urgent que nous remettions en cause nos modèles de vie, de développement, économiques, sociaux … Redonner un nouveau sens à la vie, au monde, refuser de mesurer le bonheur à la hauteur de ce que nous achetons ou consommons mais bien au plaisir que nous prenons à interagir avec le monde qui nous entoure fait doucement rire la plupart du temps. Lorsque j’affirme qu’on est bien plus heureux en limitant sa consommation d’objets, de voyages, de vêtements etc … on me prend pour un naze.

Depuis que je me suis détaché de cette consommation outrancière qui a fait partie de ma vie précédente (sans excès cela dit puisque ma paie ne me permettait pas grand chose quand même), je suis mieux, je me sens cohérent avec ma vision du monde. Je sais que la situation se dégrade, et cette low-consommation me rend bien plus résilient. Point d’éco-anxiété me concernant.

Au contraire, depuis que j’ai repris les choses en main, depuis que j’ai changé le sens que je donnais à mon plaisir (et ça n’a pas été facile) et à la vie, à ma place dans le monde, je n’ai jamais été aussi serein. Paradoxal quand je sais que cette évolution est souvent à l’origine de tensions avec mon entourage qui a bien du mal à accepter cet état de fait. Pourtant, rien au monde ne me ferait revenir en arrière.

Quoi de plus excitant, quoi de plus enthousiasmant que d’imaginer construire un monde différent de celui qui, depuis quelques décennies, nous asservit et nous rend fragiles lorsque notre confort est remis en cause? Et c’est certain, ce confort dont nous profitons va être réduit dans les années à venir si nous ne changeons pas drastiquement nos modes de vie et ce que nous attendons de cette vie.

Changeons individuellement afin de redonner un nouveau sens au monde, afin de rendre enviable le futur putôt que de rester emprisonnés dans ce monde qui, définitivement, n’a plus aucun sens!

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